Bordeaux / Paris 2010

Octobre 2009; je termine mon Ultra-Trail « La Diagonale des Fous » sur l’île de La Réunion. 2 ans de préparation ont été nécessaires. Mon plaisir a été tel, que je décide de continuer les trails une année de plus pour participer à l’Ultra Trail du Mont-Blanc; l’UTMB.
Malheureusement dès le mois de janvier 2010, les inscriptions sont déjà clôturées, alors que l’épreuve ne se déroule qu’au mois de septembre.
Déception bien entendu, mais il me faut trouver un nouvel objectif. Je consulte internet et découvre un autre tour du Mont-Blanc, celui-ci cyclo.
330KM ET 8 000M de dénivelés.
Ce sera donc l’objectif principal de ma saison.

De leurs côtés, les organisateurs de Paris-Brest-Paris 2011, ont rajouté une présélection supplémentaire sur 2010 par les brevets habituels de 200, 300, 400 et 600km qui seront dans tous les cas à renouveler l’année suivante. Je rajoute donc ces brevets sur mon agenda.
Lors du brevet des 400km, Jean-Pierre et Jean-François, qui tout comme moi sont licenciés à l’Etoile Cycliste de Montesquieu, sont au départ en prévision de Bordeaux-Paris 2010 qui se déroule 3 semaines après.
Bordeaux-Paris, une autre aventure. Une épreuve qui a ses lettres de noblesse dans le milieu cycliste. Van Springel est le nom du coureur qui me revient à la mémoire pour ses victoires dans ce long marathon.
Jacques Anquetil, bien entendu, après sa victoire dans « Le Dauphiné » quelques heures avant le départ et qui réalisa un doublé unique.
En ce qui me concerne, une seule participation en 2004 m’avait laissé sur la réserve; que ce soit au niveau de l’organisation un peu « limite », d’une préparation très perturbée par une clavicule cassée quelques semaines avant le départ et de problèmes gastriques lors de l’épreuve.
Toutefois, l’idée germant très vite au fur et à mesure des kilomètres de ce brevet des 400 km où je retrouvais de formidables sensations, j’étais déjà pratiquement partant pour ce défi supplémentaire.
Une cyclosportive « La Pyrénéenne » avec Tourmalet, Aspin et Hourquette d’Ancizan rajouté le week-end suivant, c’est à dire 15 jours avant Bordeaux – Paris, puis des petites sorties tranquilles meublèrent les jours intermédiaires. C’est avec 4 000km que je peux prendre le départ.

Samedi 26 Juin 2010, 14 heures.
Pour une fois, je me présente en bonne position sur la ligne de départ. Mon camarade Steeve est dans les parages. Fort de sa 11ème place sur sa 1ère participation et surtout, cette année, de sa place de 2ème à « La Roger Pingeon » et de 9ème à « Milan – San Remo », il est actuellement aussi très fort dans sa tête.
Départ comme toujours très rapide car cela frôle vite les 50km/h. Un tandem ouvre la route. Derrière, nous sommes en file indienne. Jamais je ne me retourne pour voir les dégâts. Ma place oscille entre la 5ème et la 15ème place au fur et à mesure des repositionnements des uns et des autres. Au 100ème km, j’ai 40.5km/h à mon compteur. Objectivement cela pourrait rouler nettement plus vite. Sur cette partie, je ne sens pas les pédales, ayant une impression d’être aspiré.
Une chute de plusieurs coureurs me bloque sur le bas-côté avec un levier de frein en travers, me faisant prendre conscience que j’étais passé très près.
Le 1er ravitaillement n’étant prévu qu’au 1er contrôle, au 135ème km, je manque vite de liquide dans mes bidons, malgré une bouteille supplémentaire rajoutée. La chaleur est en effet très forte et les cuissards de mes collègues cyclistes sont auréolés de nombreux motifs blancs provoqués par les pertes en sels. Très vite mes jambes se grippent et je « saute » du groupe de tête, au 115ème km, sans être pourtant fatigué.
C’est là que je me rends compte que notre groupe n’était constitué de moins de 50 éléments. Nous poursuivons à deux, une vieille connaissance avec qui j’avais couru il y a de cela pas mal d’années.

Après un 1er ravitaillement éclair, je repars avec un cycliste breton.
Quelques kms plus loin, un petit groupe nous passe à toute vitesse emmené par un tandem. Quelle aubaine. Mais, mes jambes, malgré avoir bu copieusement, n’ont pas encore récupéré des carences infligées. Je mets par
2 fois pied à terre pour terminer mes ascensions très nombreuses sur ce 2ème secteur. Des spectateurs, clients de notre Société, qui me reconnaissent me fournissent, très à propos, en eau salée. Je sais maintenant qu’il me faut tenir, car mon staff familial me suit et la chaleur s’atténue avec le soleil déclinant. Je poursuis seul pendant environ 80km, sans me faire reprendre, sur un braquet très souple.

2ème contrôle, 240ème km. Je décide d’un vrai arrêt de 15mn environ, pour manger.
Pâtes/poisson, cake salé et compote en sachet.
Par chance, un groupe d’une vingtaine de membres arrive entre-temps. Avec la tombée de la nuit, je vais pouvoir poursuivre la route avec eux. Le rythme est correct, aux environs des 36/38 km/h. Toutefois, la fatigue accumulée, l’obscurité de la nuit bien installée, les difficultés à assimiler les quantités importantes de liquide mélangées à des repas froids, provoquent chez moi une sévère baisse de régime. Je ne passe pas un seul relais. Je reste au maximum en queue de groupe pour profiter de la lumière des voitures suiveuses et éviter ainsi l’endormissement sur le vélo, que j’avais déjà connu sur mon dernier PBP. Apothéose de ma mauvaise nuit, je vomis par 3 fois le peu de réserve qu’il me restait. Vous pouvez vous douter à ce moment-là de mon état d’esprit quelque peu négatif.

Heureusement, alors qu’il reste encore 200km, mon choix de boire du chocolat au lait, même froid, est ma solution miracle. Jusqu’au dernier contrôle, et pendant 140 km, avec le jour revenu je réussis à passer toute cette période avec confiance. Sans me sentir toutefois très performant. Je complète mon alimentation sur le vélo en continuant à manger le plus régulièrement des très petits morceaux de barres Powerbar et surtout mon incontournable et miraculeux Carboloader+.

Dernier contrôle, il reste 65km. Je renouvelle ma boisson avec 2 briques de chocolat au lait et un pain aux raisins que je savoure avec plaisir.
L’important, en ces moments-là, est de trouver la nourriture bien acceptée par son organisme. Je n’insisterai jamais assez sur l’importance majeure de son alimentation pendant les épreuves extrêmes.
Alors que nous étions restés groupés pendant le tiers de l’épreuve, la proximité de l’arrivée et l’entrée dans la vallée de La Chevreuse avec ses multiples côtes vont morceler ce groupe dès le départ. On se retrouve vite à deux. Nous doublons déjà, depuis plusieurs dizaines de km, les partants du samedi matin. Ils ont 8 heures supplémentaires de vélos dans les jambes.
Leur rythme est plus lent et le fait de les dépasser aussi facilement conforte mon impression d’être de mieux en mieux. Je n’ai pas de véritable déclic, mais au fur et à mesure de cette dernière partie je ne ressens plus aucune contrainte. Ni les braquets, ni le vent, ni les côtes ne constituent des obstacles. Les jambes tournent toutes seules. Je vole pratiquement. Il me parait impossible d’être mieux que je le sois en ces moments. Mon expérience depuis 8 ans des distances extrêmes me raisonne toutefois de rester concentrer, de ne pas céder à l’euphorie; que ce soit sur ma vitesse ou sur mon alimentation, exclusivement avec le Carboloader+.
Mon staff qui a été parfait tout au long de cette épreuve me quitte pour rejoindre la ligne d’arrivée. Je serai aussi rapide qu’eux avec les ralentissements qu’ils connaîtront.

Oublié les crampes de la veille, oublié la très mauvaise nuit passée, oublié mes ennuis gastriques.
Je regrette qu’il n’y ait pas plus de distance pour pouvoir encore et toujours rester sur mon nuage. Comme sur tous mes défis extrêmes précédents, j’ai l’impression, sur le moment, que je pourrai tout redoubler. Revenir à Bordeaux, aucun problème !
Lucidité revenue, je ne suis pas tout à fait certain toutefois.

Au final, j’occupe la 30ème place du scratch, vélos couchés et tandems compris, en 21h 47′. Mon camarade Steeve réalise, dans la douleur, un exploit exceptionnel en prenant la 3ème place  » des cyclistes traditionnels » en 18h 28′.

8 jours après, lors d’une épreuve Ufolep GS, je remporte facilement cette course sur l’acquis de ce long marathon cycliste.
Ce n’est pas beau le vélo !

Serge Dutouron

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